Mais où êtes-vous ? Et que faites-vous ?
- Lison Zen
- 25 janv.
- 4 min de lecture
Je vous livre ce que j’ai retenu du livre « L’art de l’hypnose » de Jean Marc Benhaïem. Dans ce livre, l’auteur a recueilli pendant près de vingt ans les propos de son maître et ami François Roustang. Il y explore les fondements et les subtilités de l’hypnose, combinant théorie et pratique. Jean-Marc Benhaïem démontre comment cet art thérapeutique mobilise l’imaginaire pour résoudre des blocages psychiques et physiques. Il met l’accent sur l’importance de l’alliance thérapeutique et sur une approche individualisée, favorisant l’autonomie du patient.
Voici ce que j’ai particulièrement apprécié dans ce livre.
« On croit souvent que c'est la tête qui doit nous guider. En réalité, c'est le corps. Tandis que le cerveau, avec ses multiples systèmes, peut nous égarer dans des ruminations du passé ou des anticipations anxieuses, le corps, lui, ne vit que dans le moment présent. Il respire ici et maintenant, il ressent ici et maintenant. Pourtant, ces mécanismes mentaux — ruminations, anticipations anxieuses — sont à l'origine de nombreuses souffrances. Alors, comment changer, se transformer, se libérer, sans tomber dans l'illusion que seule la volonté ou la compréhension intellectuelle suffisent ?
La clé réside dans le geste, l'action, pas uniquement dans l'analyse. Trouver le geste juste est essentiel. Prenons l'exemple de François Roustang, qui demandait à ses patients : « Êtes-vous dans le fauteuil ? » Souvent, la réponse immédiate était : « Oui », suivie d’une série de récits sur leur passé ou leurs préoccupations. Et Roustang de répondre : « Non, vous n’êtes pas dans le fauteuil ! » Ce n’est que lorsque le patient se reconnectait à ses sensations, qu’il se sentait vraiment là, ici et maintenant, qu’il pouvait enfin dire : « Oui, je suis dans le fauteuil. » Et à ce moment précis, François Roustang ajoutait parfois : « Laissez le fauteuil vous guérir. » Cette approche radicale mais efficace repose sur la puissance du corps à ramener l’esprit dans l’instant présent.
Pourquoi se méfier de la pensée ?
Parce que le cerveau possède des circuits figés, comme ceux qui nous poussent à rechercher un plaisir immédiat pour calmer une souffrance, au détriment d’un vrai bonheur. Ces mêmes circuits alimentent les ruminations et les projections anxieuses. À l’inverse, le corps est un guide fiable parce qu’il ne connaît que le présent. Si l’on se reconnecte à lui, on peut sortir de ces déambulations mentales qui nous égarent.
Dans notre culture occidentale, nous avons été éduqués à penser que l’intellect peut tout résoudre. Par exemple, face à l’angoisse, on s’efforce de la rationaliser, de changer la perception que l’on a d’elle pour se calmer. Mais cela reste insuffisant. Les grands penseurs disent souvent que leurs plus grandes découvertes sont venues non pas d’une maîtrise intellectuelle, mais d’un moment où ils ont retrouvé leur corps, où ils se sont laissés guider par autre chose que leur tête. Retrouver son corps, c’est retrouver un guide qui nous recentre.
Imaginez que vous êtes angoissé, comme si vous marchiez au bord d’une falaise. Chaque pas est tendu, car un faux mouvement pourrait vous faire tomber. Vous tentez de tout contrôler, mais le contrôle est impossible, et cette tension devient insoutenable. Mais posez-vous cette question : « Suis-je vraiment au bord de cette falaise ou bien assis devant mon écran à lire ces mots ? » Se replacer dans l’ici et maintenant, c’est revenir sur un chemin balisé, là où l’on est en sécurité, loin du vide.
Ce geste de retour à soi peut être métaphorique. C’est pour autant le début du soin : se repositionner au centre de sa vie, dans un endroit de calme et de sécurité. Parfois, il ne s’agit pas de comprendre ou d’analyser, mais simplement de retrouver cette place juste.
Un exemple marquant
Une patiente dit souffrir de migraines, avec de terribles douleurs aux épaules et à la nuque, au point que cela gâchait ses journées. Son thérapeute lui a demandé : « Qu’est-ce que vous portez de si lourd ? » Elle a alors évoqué les attentes sévères de sa mère, les pressions de son père pour réussir ses études, et ce poids qu’elle portait depuis l’enfance. Sa douleur n’était pas qu’un symptôme physique, mais le signe d’une charge psychologique écrasante. Lui proposer un baume pour apaiser son bras n’aurait pas suffi. Son thérapeute lui a dit : « Madame, lâchez votre valise. » Et c’est là que le vrai travail commence : apprendre à rester dans cette nouvelle posture, à utiliser les ressources en elle, celles qu’on lui avait appris à ignorer.
Finalement, la guérison, c’est peut-être simplement cela : se permettre d’être soi-même, se tenir en sécurité, sans fardeaux inutiles, dans l’instant présent. Après tout, nous sommes issus d’une très longue lignée de gens prudent, se tenant loin des animaux féroces, toujours prêts à courir pour se mettre à l’abri. Sinon, nous ne serions pas là, ici et maintenant !
Ce passage offre plusieurs éclairages pertinents pour accompagner pédagogiquement les personnes que j’accompagne. Un point clé est l’importance du corps dans le processus thérapeutique. Le corps, contrairement au mental, vit toujours dans l’instant présent. Cela en fait un ancrage essentiel pour aider les personnes à sortir de leurs ruminations ou anticipations anxieuses.
En tant que thérapeute, aider les personnes à se reconnecter à leurs sensations corporelles pour apaiser leurs tourments mentaux est l'une de mes priorités.
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